jeudi 8 août 2013

Maraîchage urbain


Au pied du 9 de l’allée Georges Rouault, aromates, fruits et légumes attendent d’être dégustés.




Tout est parti d’une demande du conseil syndical, il y a plus de cinq ans, requérant des habitants du Pressoir des suggestions d’amélioration des espaces communs et des espaces verts. Olivier Chaïbi, qui habitait du côté de la rue Julien Lacroix avait répondu. « J’avais émis l’idée de faire un jardin partagé ou un petit maraîcher ou quelque chose comme ça, en insistant sur les effets vertueux que ça avait sur les espaces communs, le côté transgénérationnel que cela pouvait avoir, des enfants jusqu’aux grands-parents ». Trois ans plus tard, la réponse, positive, s’inscrit dans un plan global des jardins. Une bande de terrain lui est octroyée dans la cour du haut.

Certes, ce terrain n’était pas le plus beau. C’était même l’un des coins les plus sales du jardin malgré de récurrents nettoyages : une pelouse recouverte de crottes de chiens, de mégots de cigarette et de sacs de déchets jetés par les fenêtres. Le degré d’ensoleillement y est maximal, accentué par la réverbération des mosaïques en façade de l’immeuble. Et avec les parkings en dessous, la terre sèche très rapidement. Si le fait que le sol ne gèle jamais est un avantage, l’inconvénient est qu’il faut l’arroser très régulièrement.


Une première information est alors donnée dans les boîtes aux lettres, histoire de sensibiliser quelques résidents à cette nouvelle initiative. Quelques familles sont venues planter des petites graines. Puis elles sont revenues ainsi que d’autres familles. Sur les trois ans d’existence que compte le potager partagé du Pressoir, une centaine de famille y a manié de la bêche, de l’arrosoir ou arraché les adventices.

Depuis ce temps, des résidents passant à côté y vont de leur petit conseil, de leur envie, voire amènent un pied à planter. À chacun son petit rêve dans ce bout de potager. Élodie Richard, qui réside du côté de la rue du Pressoir, est là depuis le début. Dans leur maison de campagne, ses parents entretiennent un potager. « C’était l’occasion  de montrer aux enfants citadins comment poussent les végétaux, mais aussi de le faire dans la résidence, le côté partagé. C’est vraiment un peu l’esprit communautaire que j’apprécie », conclut-elle.



La gestion du potager reste très libertaire : chacun peut venir, planter des graines ou un pied, ou simplement récolter les produits du potager.  La première année, la terre était fertile et bien retournée : les graines ont donc pris de manière favorable. Elodie Richard avait ainsi planté des framboisiers qui ont donné l’année suivante de beaux plants, très appréciés des enfants (mais pas seulement !). Puis la terre s’est épuisée.  « Depuis quelques années, je constate que même avec beaucoup d’efforts, en mettant du compost ou en retournant régulièrement la terre, c’est dur de faire prendre directement les graines », souligne Olivier Chaïbi. Ce sont les semis préparés chez soi et montés dans les appartements ou dans d’autres jardins qui, aujourd’hui, prennent racine très facilement. Ainsi d’un pied de tomates, arrivé déjà debout à l’inverse des graines qui, elles, n’ont jamais réussi à sortir de terre. Toutes les herbes aromatiques qui occupent, pour certaines d’entre elles de beaux espaces allant jusqu’au mètre carré, sont arrivées, elles aussi, arrivées dans des petits pots : romarin, sauge, oseille, menthe, ciboulette… L’oseille est bio et de Belleville. Trois variétés de menthe sont présentes. Pour la sauge, les utilisations culinaires paraissent peu variées au premier chef : sauces pour les rôtis et tisanes au goût marqué. En fait, il en existe beaucoup d’autres à tester. Pour l’un des résidents du Pressoir qui observe depuis trois ans ce potager, cet emplacement est d’ailleurs idéal pour les herbes aromatiques.



Les radis et salades plantés n’ont en revanche pas été récoltés. « Au départ, c’était des graines et on les a laissées monter en fleur, se souvient Olivier. Les graines sont retombées et ça a donné à nouveau des radis et des salades qui sont de nouveau en train de monter en fleur parce que les gens ne les ramassent pas. Et ça repart comme ça. »
Les plants poussent ou meurent, sont ou non récoltés. La gestion relève du plaisir et non d’un objectif rationnalisé de jardinage. « C’est évident qu’on n’est pas des pros de la productivité. C’est un peu trop anarchique comme gestion », conclut le fondateur.



En plus de disposer toute l’année de plantes aromatiques qui s’adaptent fort bien à ce terrain ensoleillé et sec, ou quelques mois par an de petits plaisirs pour les papilles, telles les framboises et les fraises, ce potager partagé présente de nombreux avantages. Il a ainsi permis de revaloriser cette parcelle d’un point de vue esthétique à peu de frais. L’absence de planification et la gestion anarchique des plantations et des récoltes font que même en hiver, le potager conserve un aspect garni. L’une des voisines habitant du dessus est aussi venue exprimer un jour sa satisfaction de pouvoir désormais ouvrir ses fenêtres sans voir de mouche passer des matières fécales canines à chez elle. Aujourd’hui, elle peut observer le ballet de coccinelles qui passent de la prairie en fleur mitoyenne aux plantes du potager et les allers et venues des gendarmes, ces grands fossoyeurs des jardins aux habits rouges et noirs. En parallèle, les enfants, nés dans la ville, découvrent d’où viennent ces aliments qui garnissent leurs assiettes. Enfin, jardiner permet de relativiser le climat. « Là, beaucoup de gens se sont plaints de ce printemps pourri où il pleuvait énormément : le jardin n’a jamais été aussi beau et on n’a pas eu besoin de l’arroser », explique Olivier Chaïbi. Un printemps estival il y a quelques années fut en revanche un calvaire pour le potager qu’il fallait arroser en permanence. « Ça a été l’année où on a eu le jardin le moins joli », se désole-t-il.

Trois ans déjà, et ce potager partagé de la cour du haut vient d’être renforcé par un second espace à vocation identique, dans la cour du bas. Pour l’instant, quelques plants paraissent isolés au pied du bâtiment rue Julien Lacroix. Nul doute que si les familles de la cour du bas s’y investissent, leurs enfants pourront bientôt déguster fraises, framboises et groseilles.



Pour l’instant, ces espaces ne sont partagés que par les habitants du Pressoir. Pas la peine donc d’aller les localiser dans la carte des jardins partagés de Paris ! Ces jardins ont signé avec la ville de Paris la charte Main verte ; ils ouvrent donc leurs espaces aux riverains du quartier et à se regroupent en association.

Un jour peut-être ? Qui peut prédire l’avenir de ces petits espaces où le temps défile sur un autre mode.





Textes et photos : Pascale Peignen

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